L’exploitation du zircon à Lompoul n’est pas qu’une affaire locale, elle est un miroir des dérives d’une économie extractive déconnectée des réalités humaines et écologiques. Ce drame appelle à une prise de conscience collective pour préserver, non seulement, Lompoul, mais, aussi, toutes les collectivités territoriales menacées par de telles pratiques.
Pendant longtemps, les murmures et les plaintes des populations rurales de Lompoul et Diokoul ont envahi les discussions. Les tensions montent face à une exploitation industrielle qui divise : d’un côté, les promesses enjôleuses de la société Grande Côte Opérations (GCO) ; de l’autre, la réalité brutale des souffrances endurées par les habitants. Et partout dans les zones d’exploitations des ressources minières du Sénégal, le constat est amer. Bienvenue dans ce Gotha du rêve brisé.
De la terre à la mer : l’exil forcé des habitants de Lompoul-village
Lompoul, ce paisible village historique niché dans la région de Louga, a vu son existence basculer sous le poids de l’exploitation sauvage du zircon. Ce minerai tant convoité, au prix exorbitant sur le marché international, s’est avéré être une malédiction pour les habitants, qui ont été brutalement délogés de leurs terres ancestrales pour être relogés à Lompoul-sur-Mer.
Privés de leur terroir d’origine, ces familles vivent désormais dans des conditions précaires, coupées de leurs racines et de leur mode de vie traditionnel. La transition, imposée sans consultation ni accompagnement, symbolise un déplacement forcé d’une communauté qui paie le prix fort de l’enrichissement d’une poignée d’exploitants sans scrupules Pire, Lompoul-village est rayé de la carte par l’exploitation du zircon
Ce village, autrefois célèbre pour ses dunes majestueuses et sa quiétude, a littéralement disparu sous le joug des machines d’extraction. Les terres fertiles et les écosystèmes uniques de la région ont été sacrifiés sur l’autel du profit, transformant un patrimoine naturel inestimable en une zone ravagée.
Pendant ce temps, les entreprises exploitantes engrangent des profits colossaux, ignorant les cris de détresse des populations locales et les dégâts irréversibles infligés à l’environnement. L’absence d’une véritable régulation et le laxisme des autorités aggravent cette situation déjà dramatique.
Des vies brisées au nom du progrès
À Lompoul-sur-Mer, les habitants peinent à reconstruire leur vie. Les pêcheurs, agriculteurs et artisans, qui dépendaient des ressources de leur terre d’origine, se retrouvent dépourvus de moyens de subsistance. Le tissu social est fragilisé, les liens communautaires s’effritent, et l’avenir semble incertain.
Cette mascarade inhumaine doit cesser. La justice sociale et environnementale exige des réponses claires : la restitution des droits des populations, une indemnisation juste et équitable, et des politiques respectueuses des ressources naturelles. Sans cela, Lompoul restera le symbole d’un développement destructeur, qui sacrifie des vies humaines et un héritage collectif au profit de quelques-uns.
Des promesses en trompe-l’œil
Au départ, les populations avaient espéré des retombées positives de ce projet, séduites par les engagements de GCO. Des emplois, des infrastructures et une amélioration des conditions de vie leur avaient été promis. Pourtant, ces espoirs se sont vite dissipés. La réalité, marquée par une pollution de l’air et des sols, des maladies pulmonaires chroniques et des troubles auditifs causés par les incessantes vibrations des machines, est tout autre.
Une exploitation inhumaine
Les ouvriers de Lompoul, jeunes et vieux, peinent sous un soleil brûlant pour des salaires dérisoires. Les temps de récupération sont ignorés, et les longues heures de travail éreintent les corps. Les vieillards, déjà affaiblis, subissent les conséquences de nuits sans sommeil à cause du bruit des machines. Les adultes, quant à eux, dénoncent des rémunérations insuffisantes et des paiements irréguliers.
Pendant ce temps, les consignes de production s’intensifient. Les ouvriers doivent trier, séparer et entasser le sable enrichi en zircon, ainsi que d’autres métaux, pour alimenter les immenses dragues mécaniques. Ces vastes machines dévorent sans relâche les terres fertiles de Lompoul, transformant les champs agricoles en déserts industriels.
En contrepartie, ce sont des miettes qui sont destinées aux habitants, et les richesses sont bonnes pour les industriels.
Malgré leurs efforts, les ouvriers se contentent de maigres compensations, alors que les responsables de l’exploitation engrangent des profits colossaux. Face à ce déséquilibre criard, les populations locales se sentent trahies et abandonnées par un État, pourtant, au fait de la situation.
Des zones sous pression et sous tension
Lompoul et Ngadiaga, deux localités dévastées par les exploitations minières et pétrolières, voient leurs paysages naturels détruits et leurs populations déplacées.
A Kédougou et a Tambacounda, c’est la même calamité. Dans ces zones du Sénégal oriental, c’est aussi un constat lamentable. L’exploitation aurifère a non seulement pollué les cours d’eau, mais aussi exacerbé les inégalités économiques et les conflits sociaux.
A Matam, les terres agricoles, vitales pour la subsistance des habitants, sont sacrifiées au profit des exploitations industrielles.
Un appel à la justice sociale et écologique
L’exploitation du zircon à Lompoul et Diokoul illustre une fois de plus les limites d’un modèle économique basé sur le pillage des ressources naturelles. Les souffrances des populations rurales, sacrifiées sur l’autel du profit, exigent une réponse ferme et immédiate.
Il est temps pour l’État et les acteurs impliqués de rendre des comptes. Des mesures doivent être prises pour protéger les communautés affectées, garantir leur indemnisation et instaurer une exploitation respectueuse de l’environnement et des droits humains. L’avenir de Lompoul, de Diokoul, et de tant d’autres localités rurales dépend de cette prise de conscience.
Renégocier les contrats d’exploitation des ressources naturelles
On ne le dira pas assez. Le cadre contractuel pou l’exploitation des ressources minières du Sénégal est à revoir. Les contrats actuels privilégient souvent les intérêts des entreprises exploitantes au détriment des populations locales. Ces dernières, censées bénéficier des retombées économiques de ces projets, ne récoltent que des miettes, tandis que leurs terres, leur santé et leur environnement sont dévastés.
Face aux dérives constatées dans l’exploitation des ressources naturelles au Sénégal, il devient urgent de revoir les contrats liant l’État aux multinationales extractives. Qu’il s’agisse du zircon à Lompoul, de l’or à Kédougou et Tambacounda, du gaz et du pétrole à Ngadiaga, ou encore, des phosphates dans la région de Matam, les populations autochtones subissent de plein fouet les impacts sociaux, économiques et environnementaux de ces activités. C’est un impératif pour les populations et l’environnement.
La renégociation des contrats devrait, inéluctablement, inclure une prise en charge systématique de l’impact environnemental.
Les entreprises doivent être tenues de mettre en œuvre des mesures de prévention et de réparation des dommages environnementaux, incluant la réhabilitation des sites après exploitation.
Des indemnisations justes pour les populations affectées sont une nécessité absolue. Il faut garantir des compensations équitables pour les pertes agricoles, les déplacements forcés et les impacts sur la santé des habitants.
Un mécanisme de suivi environnemental et social indépendant avec la mise en place de comités comprenant des représentants des collectivités territoriales , des ONG et des experts qui doivent être créés pour veiller au respect des engagements pris.
Des investissements dans les infrastructures locales sont aussi importants et les profits générés par l’exploitation des ressources doivent être en partie réinvestis dans le développement des zones concernées (routes, écoles, hôpitaux, accès à l’eau potable).
Il faut, donc, un partage équitable des revenus. L’État doit revoir les accords financiers pour s’assurer que les ressources naturelles profitent en priorité aux Sénégalais.
Un appel à la souveraineté sur nos ressources
Ces zones ne doivent plus être les victimes silencieuses d’une exploitation effrénée. Les ressources naturelles, patrimoine commun du Sénégal, doivent être gérées de manière à garantir un développement durable et inclusif, respectueux des droits des populations et de l’environnement.
Renégocier ces contrats est, non seulement, une question de justice sociale, mais, également, un impératif pour préserver l’équilibre écologique et construire un avenir prospère pour toutes les générations sénégalaises.
B. B. FAYE
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