Le Sénégal a commémoré ce dimanche 1er décembre 2024 à Thiaroye, le 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais. Un événement tragique qui a eu lieu en 1944. La cérémonie était présidée par le Président de la République, Son Excellence Bassirou Diomaye Faye.
Par A. L. NDIAYE (avec En Relief)
Les présidents de la Gambie, Adama Barrow, de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, Mohamed Ould Cheikh EL Ghazouani de la République islamique de Mauritanie, Président en exercice de l’Union Africaine, Azaki Ansoumani de l’Union des Comores, Brice Clotaire Oligui Nguema de la République Gabonaise ont participé à l’événement ainsi que des membres du gouvernement et des invités venus du monde entier.
À l’entame de son discours, le Chef de l’État Bassirou Diomaye Diakhar Faye a remercié chaleureusement ses hotes présents à la cérémonie avant d’exprimer son émotion en ce jour de commémoration du massacre des tirailleurs sénégalais « Grande est mon émotion en cette date et en ce lieu qui nous parlent, où des Héros africains sans défense, armés de courage, de dignité et de fraternité africaine ont été froidement abattus. Il s’agissait là d’un massacre.
80 ans après ce crime de masse, le silence de Thiaroye est toujours aussi assourdissant. Les murmures venus d’outre-tombe, nous interpellent avec fracas, pendant que l’ampleur de ce crime demeure minimisée et souvent même niée par certains milieux des héritiers de ceux qui l’ont commis.
Sur cette terre blessée de Thiaroye, résonnent encore les rafales sifflant au bout des canons, comme pour rappeler que l’horreur est toujours là. Entière. Immortelle.
Des profanes comme beaucoup d’entre nous, jeunes et moins jeunes, se poseraient la question de savoir de quoi s’agit-il exactement ? Tellement la chape de plomb était fermement posée depuis très longtemps pour tenter de rayer cet épisode fâcheux de notre histoire.
Il s’agit d’africains en majorité arrachés à leurs terroirs contre leur gré pour aller combattre au service de l’Empire colonial français d’alors. Ils formaient le Régiment des Tirailleurs Sénégalais.
Ils venaient de presque tous les territoires coloniaux français d’Afrique occidentale, équatoriale et de l’Est devenus au moment des indépendances dix-sept pays. Ils étaient du Benin, du Burkina Faso, du Cameroun, des Comores, du Congo, de la Côte d’Ivoire, de Djibouti, du Gabon, de la Guinée, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, de la République Centrafricaine, du Sénégal, du Tchad et du Togo.
Longtemps ignorés et banalisés, ces tirailleurs ont pourtant bravé toutes les épreuves pour aller combattre très loin de chez eux. Des conditions de voyage éprouvantes, (entassés dans les cales des bateaux), aux champs de bataille où ils ne portaient que des tenues simples sans défense jusqu’en 1943 quand les américains les équipèrent, les tirailleurs ont tout sacrifié.
Ils ont donné de leur jeunesse, de leur sang et de leur chair pour la liberté et la paix dans le monde. Malgré les pertes énormes sous les balles nazies, les faits d’armes du régiment des tirailleurs sénégalais sont incontestables et ont grandement contribué à la victoire des alliés.
Qu’il s’agisse, entre autres, de la libération de la Tunisie, du débarquement à l’ile d’Elbe, de la libération de Toulon et de celle de Paris, ils ont tenu leur rang en combattant de manière acharnée parfois jusqu’au sacrifice suprême pour conquérir une localité ou tenir une position méritent tous les honneurs, notre respect et notre admiration.
Mais la suite de l’histoire est à l’inverse de ces immenses sacrifices. A la place d’éloges et de reconnaissance, l’ordre fut donné de neutraliser ceux qui avaient enduré la ségrégation dans les prisons allemandes et la rigueur de la captivité.
L’irréparable se produisit le 1er décembre 1944 ici à Thiaroye quand le Général Dagnan ordonna de tirer sur des innocents désarmés dont le seul tort a été de réclamer le paiement de leurs indemnités, primes et autres allocations.
C’était là un acte prémédité, visant à réprimer des revendications légitimes, à dissuader d’autres et à perpétuer l’ordre colonial.
Le crime fut commis et les faits sont incontestables. Voilà le sort qui a été réservé à certains qui ont contribué à écrire dans le sang et la sueur, la glorieuse histoire de la libération.
Aujourd’hui, par devoir de mémoire, de vérité et de justice, nous ne pouvons oublier l’horreur des exécutions sommaires au camp de Thiaroye.
Il est impératif de rappeler l’histoire, toute l’histoire, sans trou de mémoire. C’est ce qui fonde l’essence universelle des valeurs de paix, de liberté et d’égale dignité attachées à la nature humaine ».
En outre, le Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye a rendu un vibrant hommage aux tirailleurs morts avant d’annoncer d’importantes mesures dont l’érection d’un mémorial à Thiaroye, qui servira de lieu de mémoire, ainsi que la création d’un centre de documentation et de recherche. Il a également souligné que des rues et des places porteront le nom de cet événement tragique et que l’histoire de Thiaroye sera intégrée dans le système éducatif sénégalais. Des mesures qui vont « ressusciter » les tirailleurs morts qui ne sont pas morts.