Consensus sur la réduction des pouvoirs du Procureur, l’institution d’une Cour Constitutionnelle, mais désaccord sur le retrait du Chef de l’État du CSM.
Les travaux du dialogue national sur la réforme et la modernisation de la justice ont été restitués, ce 04 juin, après une semaine de concertations intenses, passionnées, parfois de position, parfois irréductible. Dans la démarche, deux commissions ont été instituées pour recenser l’ensemble des propositions faites à travers la plateforme Jubbanti mais aussi celles faites par les participants physiques. Il s’agit de la commission réforme et la commission modernisation. Sous la présidence du professeur Babacar Guèye, facilitateur général des assises de la justice, le dialogue national a été clôturé sur un rapport de synthèse de 300 pages. Un des points essentiels des discussions a été la démarche inclusive pour prendre en compte l’avis de tous. Il a été relevé la participation de toutes les couches de la population pour que les résultats qui sortiront de ces travaux soient reconnus par toutes les couches de la société, a indiqué le Pr Babacar Guèye.
Recommandations phares
Des propositions phares faisant l’objet d’un consensus ont été retenues. D’abord, la limitation des pouvoirs du procureur de la République jugés excessifs. Les participants du dialogue ont recommandé d’instituer un juge des libertés et de la détention, mais aussi un juge d’aménagement des peines pour pallier aux problèmes. Parmi les recommandations figure, également, la mise en place d’une Cour Constitutionnelle en remplacement du Conseil Constitutionnel avec une composition diversifiée. Des acteurs de la société civile ont relevé le caractère dépassé de l’instance qui mérite de répondre à la modernisation.
Autre suggestion qui a découlé des assises de la justice, il s’agit de la nouvelle organisation du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) qualifié par des participants de lieu de retraite pour des magistrats. D’ailleurs, les acteurs du dialogue ont appelé à ce que l’institution soit reformée de sorte que les magistrats qui y siègent soient généralement en activité. Ils ont souhaité dans la démarche de procéder aux appels à candidatures pour certains postes. Dans les conclusions, il est aussi recommandé l’ouverture du CSM à d’autres corps notamment universitaires même si les acteurs des assises n’ont pas trouvé de consensus sur ce point. Ce n’est pas le seul point de divergence, les intervenants du dialogue ne sont pas tombés d’accord sur le retrait de ces derniers même si la majeure partie ont souhaité que le président de la République ne préside plus le conseil.
Le déficit de magistrats, d’avocats et de greffiers dans l’appareil judiciaire a également été au centre des conclusions pour une justice performante et résiliente. Pour ce faire, il a été recommandé un plan de recrutement ambitieux de nouveaux acteurs de la justice pour résorber le gap.
La révision des codes existants, notamment, le code pénal, le code de procédures pénale entre autres ont aussi fait l’objet de fortes directives. Des réformes au sein de l’administration pénitentiaire pour plus d’accompagnement des acteurs du secteur, aussi, la revue profonde des conditions de détention des détenus sont au cœur des orientations recensées dans le raport de synthèse. Les acteurs du dialogue ont convenu de tendre vers la digitalisation judiciaire pour simplifier les procédures et les services de l’état civil, la réforme de la carte judiciaire, mais surtout à aller vers une meilleure communication par la traduction des langues nationales.
Chiffres de la plateforme Jubbanti
34.988 compatriotes sénégalais au niveau national et à travers la diaspora ont visité la plateforme Jubbanti mise en place pour recueillir les avis et les propositions sur la réforme et la modernisation de la justice. Du lot, 5.492 ont contribué pour des changements de paradigme. Sur ces chiffres, 75 % font peu ou ne font pas confiance à la justice. Seuls 1.372 sénégalais admettent faire confiance à la justice. 64% soutiennent n’être pas satisfaits des services rendus par la justice contre 40% pour des raisons liées à l’obtention de documents administratifs.