Le pape François a décidé d’ouvrir le 2 mars 2020 des archives secrètes du Vatican pour des dossiers concernant Pie XII. Pape de l’Église catholique de 1939 à 1958, ses actions pendant la Seconde Guerre mondiale sont contestées.
« L’Église n’a pas peur de l’Histoire ». Le pape François a annoncé ce lundi qu’il allait ouvrir les archives secrètes du Vatican pour permettre l’accès à tous les dossiers concernant Pie XII.
Les archives secrètes du Vatican « contiennent des fonds importants et variés provenant des Congrégations et des Bureaux de la Curie romaine, ainsi que des dépôts de familles patriciennes romaines et, depuis 1660, la correspondance de la Secrétairerie d’État », explique le site officiel du Vatican.
L’héritage de Pie XII traité avec « exagération et a priori » selon François
Dans un discours aux membres de ces archives secrètes, le souverain pontife a souhaité que soient ouvertes, le 2 mars 2020, les dossiers concernant le pontificat de ce pape qui a régné de 1939 à 1958. Le pape François a ajouté que l’héritage de Pie XII avait été traité « avec exagération et a priori ».
« J’assume cette décision », a déclaré lundi le pape François, « sûr que la recherche historique sérieuse et objective saura évaluer sous sa juste lumière, avec les critiques appropriées, les moments d’exaltation de ce pape et, sans doute aussi les moments de graves difficultés, de décisions tourmentées, de prudence humaine et chrétienne ».
Ces décisions « pourront paraître à certains comme une réticence et furent en fait des tentatives (…) de maintenir, dans les périodes de ténèbres les plus profondes et de cruauté, la petite flamme des initiatives humanitaires, de la diplomatie cachée mais active », a assuré le pontife argentin.
Dans une interview en 2014, il s’était montré plus incisif: les alliés « connaissaient parfaitement le réseau ferroviaire pour transporter les juifs vers les camps de concentration. Ils avaient les photos. Mais ils n’ont pas bombardé ces lignes. Pourquoi? ».
En revanche, Pie XII a caché des milliers de juifs dans les couvents, jusqu’à Castel Gandolfo. « Là, dans la maison du pape, dans sa chambre, 42 bébés sont nés, fils de juifs et d’autres persécutés », avait insisté François. Le Vatican avait dévoilé début 2018 des images inédites de juifs réfugiés dans la résidence d’été de Pie XII.
Des historiens accusent cependant le souverain pontife de l’époque d’une position ambiguë vis-à-vis de l’Holocauste en gardant le silence, rappelle Reuters.
Saluant l’ouverture de ces dossiers, l’American Jewish Committee a estimé qu’il était « particulièrement important que les experts de l’Holocauste en Israël et aux Etats-Unis évaluent objectivement, autant que faire ce peut, les archives des temps les plus terribles, tant pour connaître les erreurs comme les vaillants efforts faits pendant la Shoah ».
Le gouvernement israélien « satisfait de cette décision »
A Jérusalem, le Mémorial de la Shoah de Yad Vashem a salué cette décision « qui va permettre des recherches ouvertes et objectives de même qu’une étude complète des questions liées à l’attitude du Vatican en particulier, et de l’Eglise catholique en général, pendant l’Holocauste ».
En 2012, le mémorial avait modifié le panneau sur Pie XII dans son musée, expliquant que son attitude face à la Shoah était « objet de controverses ». Le gouvernement israélien s’est déclaré « satisfait de cette décision » et a souhaité qu’elle permette « d’avoir accès aux archives pertinentes ».
Des controverses sur le rôle de Pie XII pendant la Seconde guerre mondiale
Alors que Jean XXIII (1958-1963), Paul VI (1963-1978) et Jean-Paul II (1978-2005) ont été canonisés, le procès en béatification de Pie XII, relancé en 2009 par Benoît XVI, est au point mort en raison des controverses sur l’action du souverain pontife pendant la guerre 1939-1945.
Pour beaucoup d’historiens, le pape Eugenio Pacelli, qui avait longtemps été nonce (ambassadeur) en Allemagne avant de diriger la diplomatie du Vatican, aurait dû condamner bien plus fermement le massacre des juifs mais ne l’a pas fait pour ne pas mettre en péril les catholiques dans l’Europe occupée.
Une pièce de théâtre, Le Vicaire, du dramaturge allemand Rolf Hochhuth en 1963, adaptée dans le film à charge Amen du Grec Costa Gavras en 2002, a largement contribué à cette image.
D’autres historiens martèlent en revanche qu’il a sauvé des dizaines de milliers de juifs italiens en demandant aux couvents de leur ouvrir leurs portes. Selon Mgr Sergio Pagano, responsable des Archives secrètes du Vatican, les travaux en vue de cette ouverture ont débuté sous Benoît XVI en 2006, après l’ouverture des archives sur le pontificat de Pie XI (1922-1939).
En mars 2018, les archives photographiques du Vatican ont notamment publié des images inédites de réfugiés juifs cachés dans la résidence d’été du pape Pie XII, le château de Castel Gandolfo.
Salomé Vincendon et Liv Audigane avec AFP