Interview avec la Présidente de l’Afao / (Partie A)
Madame la Présidente de l’Afao, pouvez- vous vous présenter à nos lecteurs?
Je remercie votre organe de presse. Je salue l’intérêt que vous portez aux efforts de la communauté de base que nous représentons en tant que femme sénégalaise. Je suis d’origine Baol-baol. J’ai été enseignante (premier métier), puis professeur. Ensuite, j’ai fait des études en Management à l’ENAM en 1999 avec un DSS en Management. C’est la-bas que j’ai fait la communication comme spécialisation. En 2001- 2003 j’ai fait relation internationale au CEDS avec examen à Paris pour diversifier un peu mon profil. Comme vous le voyez, ça n’a pas été facile de faire tout ce parcours alors que je me suis mariée très tôt, à 17 ans. Pendant ce temps, je continuais à travailler, à faire mes cours, à fréquenter la politique durant 15 ans au niveau du parti socialiste. J’étais présidente des femmes du Parti socialiste (PS) au niveau du département de Rufisque de 1995 à 2000 et membre du comité central de l’école du PS.
Donc, voici un parcours assez atypique et ‘’coktailique’’ qui fait de moi ce que je suis devenu au niveau de la région en coordonnant le FOSCAO qui est un creuset de l’ensemble des Ong basés à Abuja. L’organisation que j’ai mise en place après la CEDEAO, en tant que Ong, l’Afao. Je suis la coordonnatrice du groupe genre de l’ECOAC de 2020 à 2025. Je suis aussi Vice-présidente de l’Appel islamique mondiale de Tripoli. J’ai assuré la fonction de vice-présidence de l’ECOSSOC au niveau de l’Union africaine pendant un mandat de 4 ans. Je suis membre de l’Armp pour la représentation des femmes dans le cadre des marchés publics pour qu’elles puissent accéder aux marchés publics tel que l’Etat l’a souhaité.
Tout cela pour dire à la génération de jeunes filles autour de moi qu’il ne faut pas faire une seule chose. Il faut se battre, travailler, retravailler. Toujours se remettre en cause et ne jamais baisser les bras. Il faut toujours se dire qu’il y a une valeur ajoutée que je dois avoir, recueillir toutes les informations pour être parmi les nouvelles leaders de l’Afrique. Il faut que la jeune génération se prépare à faire beaucoup plus que ce qu’on a fait. «C’est le temps des femmes», je cite Mme Clinton qui disait: «ne vous laissez pas intimider par quoi que ce soit»; parce que les filles sont toujours les meilleures car ce que le monde a de meilleur passe par la femme.
Nous avons suivi récemment ce que vous avez fait en partenariat avec la FAO dans le cadre de la Covid-19. Parlez- nous du motif de cette importante œuvre sociale ?
C’est vrai que la pandémie de la covid-19 est venue chambouler toutes les évidences du point de vue sociétal… Pour répondre à l’appel de l’Etat du Sénégal, la FAO a cherché à intervenir dans une dynamique de la sécurité alimentaire pour venir au secours des ménages vulnérables qui en ont tous besoin à travers le panier de la ménagère.
Avant d’être saisie, la FAO avait déjà ciblé deux sites de la région de Louga (Dara Djolof et Thiamène) et trois communes de la région de Dakar qui se trouve être l’épicentre de la pandémie dans notre pays. Il s’est agi de Keur Massar, Malika et Rufisque pour faire des interventions d’urgence ponctuelles avec des produits, d’une part alimentaire, et d’autre part sécuritaire.
Le corpus du projet était divisé en deux grands objectifs. Le premier servait à soulager les producteurs et productrices dont les produits étaient arrivés à terme, qui ne pouvaient pas circuler dans le pays pour procéder à la commercialisation du fait que les marchés, les ‘’loumas’’, étaient fermés. Quand l’Afao a été saisie, aussitôt nous avons décidé d’acheter les produits aux champs, essayé de les conditionner et de donner à qui de droit. Ce premier objectif a permis d’augmenter leur pouvoir d’achat et de réduire les pertes qu’ils allaient subir à cause de la pandémie. Ceux-là n’avaient pas les moyens de sortir leurs produits périssables des champs. C’était une intervention essentielle.
Le deuxième objectif consistait à soulager les populations, les ménages pauvres, vulnérables par la nourriture. Quand on parle de nourriture, chaque produit doit être l’émanation naturellement des populations. Nous avons commencé à recenser les produits céréaliers transformés comme le maïs et le mil qui étaient à la charge de l’Afao pour près de 10 tonnes. Notez de même pour le riz de la vallée produit par les femmes. On a pu ajouter des produits agricoles frais qui sont difficiles à conserver mais pour lesquels, quelque fois les pommes de terre, les oignons, étaient devenus périssables à l’approche des fêtes. Pour les quatre (4) sites on a mis du poisson, étant entendu que Rufisque est la première capitale du poisson; il y a la mer, le littoral.
Nous avons mis du ‘’kétiekh’’, entre 5 et 6 kg, dans des paniers bien présentables pour les deux communes de Dara Djolof dans une dynamique d’aider les familles vulnérables pendant les périodes de soudure… Les choix des produits étaient méticuleusement conduits entre la FAO et l’Afao -WAWA pour faire au mieux suivant la situation difficile des populations.
Mais il s’agissait d’intervenir dans la problématique de la Covid-19, en dehors du quid alimentaire, un quid sanitaire composé de lave-mains, bassines, baignoires, s’imposait pour des soins, en tout cas pour aider à la propreté. Ce qui permet aux bénéficiaires d’observer plus de recul par rapport à la maladie.
Vous avez réalisé cette activité en collaboration avec les collectivités locales ciblées. Etes- vous satisfaits du déroulement de cette action sociale?
Mon niveau de satisfaction se situe à plusieurs étages. D’abord, au niveau des collectivités locales, le fait que les collectivités locales commencent à établir des partenariats avec des partenaires au développement présents dans nos pays, c’est une forme de proximité de développement envers les populations.
Nous ne sommes pas les collectivités locales mais nous savons jusqu’où la communauté internationale a intérêt à se rapprocher des populations à travers les organisations communautaires et les collectivités locales qui, souvent comme vous le savez, manquent de beaucoup de choses. Les leaders des communes ont des militants, des personnes qui comptent sur eux, et souvent ils n’ont pas la possibilité de satisfaire à leur besoins. Ça, c’est une approche.
Mais ce qui a été innovant, c’est l’intervention d’urgence; parce que pour un budget de 50 ou 46 millions de francs CFA (ce qu’on a obtenu pour la première phase), le système de décaissement, les formalités, l’engagement, dans le cadre du Programme de résilience économique et sociale (Pris) qui est soutenu par le ministère de l’Agriculture, a voulu des actions urgentes. Les populations ne pouvant pas sortir de ce choc de la maladie, (les enfants ne vont plus à l’école, tout le monde est à la maison et il faut trouver à manger). Là, le fait qu’ils aient pensé à cela et que le manger ne devait être que des produits locaux, cela renvoie à une compréhension endogène de notre développement. Ce qui n’était pas toujours le cas. Il n’y a pas un seul produit qui n’est pas l’émanation de notre terroir. Et là, c’est une nouveauté.
Il faut que la covid-19 nous pousse à la réflexion, à compter sur nous-mêmes. J’ai l’habitude de citer un grand doyen africain; «on ne peut pas confier son ventre à quelqu’un et être libre». Vous avez vu les menaces de ces pays qui amenaient les bateaux de riz vers l’Afrique. En ce moment, les occidentaux sont obligés de s’occuper d’abord de leurs populations qui ont été très touchées par la pandémie, notamment du côté européen. Donc, voici les deux motifs de satisfaction. Nous pensons que de bonnes choses ont été faites.
Le troisième maintenant, c’est le niveau de satisfaction communautaire émis par les populations. Il y a ce que nous avons prévu en termes de planification, ce qui se passe pendant l’action, mais aussi le feed-back obtenu de l’opération qui nous permet de savoir les pistes de travail sur lesquels la communauté internationale, les gouvernements, les acteurs au développement à la base et les Ongs doivent continuer à prospérer…