Youssoupha Diallo, Président du Club Sénégal Emergent, PCA de la SONACOS, économiste de formation, énarque, expert en développement agricole, nous a accordé une interview sur le débat en cours concernant la Covid-19 et la pertinence du PSE par rapport à la souveraineté alimentaire et l’industrialisation du Sénégal.
Chocs de la Covid-19 et PSE.?
Les grands chocs de la Covid-19 ont selon lui vraiment perturbé le monde entier et ceux dans tous les secteurs d’activités, l’économie en particulier. On avait beaucoup d’appréhension sur le futur immédiat des pays en développement comme le Sénégal. Les chocs de la pandémie de la Covid-19 ont impacté le maillon essentiel de l’économie moderne, le marché qui a brutalement des perturbations majeures. Les mesures de distanciation sociale, les confinements partiels ou totaux, les fermetures de frontières, mesures quasi-extrêmes qui tuent les échanges physiques fondement du marché. Au Sénégal certaines mesures prises comme l’interdiction des déplacements de région à région, le couvre-feu, l’interdiction des réunions publiques ont mis à rude épreuve l’économie, notamment le transport aérien, les transports inter- urbains, la restauration, l’hôtellerie, le tourisme, la culture et les loisirs, le secteur informel, PME et Pmi, etc.
Quand le marché ne fonctionne pas de façon optimale, l’économie mondiale qui est tirée par les échanges commerciaux, ne tourne plus rond et par l’effet de transmission d’ondes négatives, entraîne de facto la baisse de la demande, de la production des biens et services et l’investissement. Une contraction de l’offre et une récession globale avec ses conséquences négatives sur les revenus et les emplois, s’en suivent.
Le choc de la pandémie de la Covid-19 a créé une récession plus importante que celle de la crise de 29 et de la crise financière des sub-primes en 2008. Les économies occidentales pour la plupart ont connu des niveaux de récession de leur PIB au moins supérieurs à 10%. Dans d’autres pays comme les Etats- Unis la situation est encore plus grave, même la Chine qui était la championne des croissances fortes a vu son niveau de croissance baisser fortement. Selon le BIT plus de 25 millions de pertes d’emplois dans le court terme pour les pays développés et plus de 500 millions de nouveaux pauvres selon l’ONG Oxfam. Les économies africaines qui avaient depuis plus d’une décennie les taux de croissance les plus élevés parmi les continents entre aussi en récession.
La zone Uemoa à laquelle appartient le Sénégal voit ses prévisions de croissance passées de 6% à 3% en 2020. Les prévisions de croissance du Sénégal en 2020 passent de 6% à 1,1%. «Nous avions tous eu peur des conséquences de ce choc sur les économies des pays en développement, pour le Sénégal en particulier», a relevé le président du Club. Mais avec le temps, explique-t-il, sous l’effet combiné des politiques vertueuses de gestion de la pandémie avec le PRES et le fonds FORCE Covid-19 et des acquis des réalisations du PAP1 du PSE, il est apparu que, malgré tout ce qu’ont pu dire certains économistes et hommes politiques, le Sénégal s’en est relativement bien sorti. Pour Youssoupha Diallo, c’était comme si le Sénégal avait anticipé rationnellement les chocs de la Covid-19!
Contrairement à ce que disent certains du genre «avec les chocs de la Covid-19, le PSE a prouvé son impertinence ou que le PSE doit être rangé au placard parce qu’il n’est pas pertinent, n’aborde pas certaines questions comme la souveraineté alimentaire et l’industrialisation» !
A l’examen minutieux du PSE dans ses orientations, ses réalisations et ses perspectives, il apparaît manifestement que ces arguments ne résistent pas à une l’analyse sérieuse et rigoureuse.
Les 3 axes du PSE.
Le premier axe du PSE est la restructuration de l’économie et la croissance.
La restructuration de l’économie signifie la remise de l’économie sénégalaise sur ses pieds, par la production de biens et services marchands, sa diversification, la transformation de ses bases productives par le relèvement de la productivité globale pour la création de plus de richesses, de revenus et d’emplois. Cela veut aussi dire ,rendre les process de production et de transformation des produits et de services plus complexes et plus capitalistiques .Ce processus de transformation prévu par le PSE doit conduire notre pays à l’industrialisation souhaitée.
Le deuxième axe du PSE, c’est le développement du capital humain. Comprenons que la première ressource d’un pays, celle qui est la plus décisive pour le développement, c’est les ressources humaines. Un pays est développé ou non, par ses ressources humaines, ses systèmes et techniques de formation et recherche .On est dans le monde de la nouvelle économie, l’économie du savoir! Les meilleurs exemples de pays pour illustrer cette affirmation sont le Japon, l’Israël et le Rwanda pour ne pas faire une longue énumération. Le troisième axe du PSE porte sur la gouvernance, la sécurité, la paix et les institutions qui sont les externalités ou l’environnement de l’économie, qui accélèrent ou ralentissent la croissance et le développement selon leur configuration.
La souveraineté alimentaire?
Dans le programme d’actions prioritaires 2 (Pap2) qui a été lancé en 2019 et décliné dans le programme de campagne du Président Macky Sall, le programme ‘’liguéyal euleuk’’, les préoccupations sur la souveraineté alimentaire sont déjà pris en compte. Selon Youssoupha Diallo rappelle que depuis le lancement du PSE, le Président de la République a dit et insisté sur le fait «que le secteur moteur du développement de l’économie du Sénégal, c’est l’agriculture».
Plus concrètement, argumente M. Diallo, le Président Macky Sall a mis les moyens qu’il fallait pour prouver son option en faveur de l’agriculture. Puisque de 2012 à maintenant, le Sénégal n’a jamais connu, un niveau d’investissement aussi important dans l’agriculture corrélé par des niveaux de croissance annuelle de ce secteur allant jusqu’à taquiner, certaines années les 20% de croissance. Le secteur agricole est passé quasiment d’un niveau global de contribution au PIB de 6% à un niveau de contribution au PIB se situant entre 12 et 15%, soit un doublement en moins de 5 ans , avec en plus un équipement conséquent des agriculteurs , condition nécessaire d’une modernisation et d’un développement accéléré de l’agriculture par le relèvement de sa productivité globale. Le programme phare de cette stratégie de souveraineté alimentaire a été le programme national d’autosuffisance en riz. Grâce à ce programme, le Sénégal est passé d’un niveau d’autosuffisance en riz de moins de 30% en 2012 à un niveau d’autosuffisance supérieur à 60% en 2017. Soit un doublement de la production de riz (passage de 500 000 tonnes de paddy a 1150 000 tonnes) en l’espace de 5 ans. ! Il faut magnifier cette performance, même si l’objectif in-finé, était d’avoir 100% en 2017. Cela a eu des effets positifs notés lors de la gestion de la covid-19. S’il n’y avait pas un stock de riz important au niveau national, il serait difficile de faire face au besoin de notre pays, en plus des importations.
L’industrialisation ?
Dans la mise en œuvre de la stratégie d’industrialisation du PSE, le programme «liguéyal euleuk» décline 5 initiatives, 3 programmes et 5 accès. Parmi les 5 initiatives, celle numéro 3 s’appelle Industrialisation du Sénégal. De manière plus concrète, poursuit M. Diallo, depuis son avènement au pouvoir du Président Macky Sall une Zone économique spéciale (Zes) a été mise en place et a permis la réalisation d’importants investissements directs qui ont permis de créer un certain nombre d’industries et des milliers d’emplois.
Aussi à Diamniadio avec l’Aprosi, un Parc Industriel a été créé pour un investissement de plus de 25 milliards de francs CFA. Le projet d’un deuxième parc industriel de 60 milliards de francs CFA est en cours de réalisation. Un autre parc industriel va être mise en place dans la région de Ziguinchor pour 10 milliards. A cela s’ajoute les programmes de mise en place de trois Agropoles: Agropole Sud à Ziguinchor, Agropole Centre à Kaolack, Agropole Nord à Saint- Louis. Chaque Agropole, qui est un espace économique de production et de transformation des biens et de services basés sur l’agriculture, l’élevage, la pêche et la foresterie. Agropole Zone Sud (Ziguinchor, Kolda, Sédhiou et Kédougou), Agropole Centre (Kaolack, Fatick, Diourbel), Agropole Nord (Saint louis, Louga, Matam). Ces agropoles sont des mécanismes de renforcement de la production de l’Agriculture au sens large (élevage, produits de la foresterie, pêche, etc), mais surtout de valorisation et de transformation des produits agricoles. Les Agropoles engendrent la création de ressources mais aussi renforcer les emplois. En plus la région de Kédougou est devenue un véritable hub minier avec l’or et le fer. La région de Matam avec le phosphate à un bel avenir d’as la production d’engrais et des produits phosphatiers. Avec les importantes découvertes de pétrole et de gaz des Hubs pétrochimiques sont en train de voir le jour à Saint Louis, Cayar et sur la Petite Côte.
Ch. Seck NDONG