Longtemps attendu par la plèbe sénégalaise ainsi que les partenaires financiers et techniques de l’Etat du Sénégal, le rapport définitif d’audit sur la situation des finances publiques pour l’exercice 2013-2024, vient d’être publié.
Comme pressenti et annoncé par l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko qui avait sonné le tocsin en septembre 2024 pour fulminer les chiffres des finances publiques déclarés par le régime sortant, le rapport de la cour des comptes rendu public ce mercredi 12 février 2025, a décelé un certain nombre de constatations troublantes que nous vous détaillerons à travers une salve d’articles.
Ce rapport publié par la cour des comptes s’inscrit dans la conformité des dispositions de la loi n°2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de Transparence dans la Gestion des Finances publiques en son point 1.7 qui stipule que “ dans les trois mois suivant chaque nouveau mandat présidentiel, la situation globale des finances publiques et en particulier la situation du budget de l’Etat et de son endettement fait l’objet d’un rapport préparé par le gouvernement”.
C’est dans cet exercice de transparence que la cour des comptes a épluché à travers deux chapitres toutes les données en lien avec les opérations du budget général et des comptes spéciaux ainsi que la gestion de la trésorerie et la situation de l’endettement du Sénégal. Une volonté de vérité qui a permis à cet organe habilité à constater des manquements troublants notamment sur des transferts importants au profit des services non personnalisés de l’Etat (SNPE) et des dépenses sur ressources extérieures non retracées dans les Loi de règlement (LR) et Projet de loi de règlement (PLR).
Selon la cour, des transferts au profit des services non personnalisés de l’Etat, exécutés à travers des comptes de dépôt ouverts au trésor et confiés à des gestionnaires nommés par le Ministre chargé des finances, ont mobilisé d’importantes sommes dont la gestion comporte plusieurs manquements.
A titre illustratif, la Cour a examiné la situation d’exécution des comptes “CAP/Gouvernement” et “Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (PDIES)”. Le compte de dépôt «CAP/Gouvernement » est créé le 25 juin 2012 au profit de la Cellule d’appui à la mise en œuvre des Projets et Programmes (CAP) pour suppléer au financement des activités de cette structure par le PNUD. L’objectif général est de contribuer à l’amélioration du niveau de la qualité d’exécution des projets et programmes.
Le compte de dépôt ouvert dans les livres de la trésorerie générale est mouvementé par le Directeur de l’ordonnancement des dépenses publiques (DODP). Sur la période sous revue, d’importantes ressources d’un montant de plus d’un milliard 1, 3 milliards F CFA sont décaissées à travers ce compte. Par ailleurs, pour la cour des comptes, le compte de dépôt enregistre, en 2023, le remboursement d’une dette bancaire d’un montant d’un plus de 305 milliards F CFA sans lien établi avec l’objet pour lequel il a été créé.
Outre les problèmes relevés sur l’exécution des comptes de dépôt sus indiqués, la cour souligne avoir constaté une utilisation irrégulière des soldes créditeurs des comptes de dépôt. Ainsi, “en fin d’année 2023, des prélèvements d’un montant d’environ 407 milliards F CFA sont opérés sur des soldes créditeurs des comptes de dépôt pour être affectés à d’autres comptes sur autorisation du Ministre chargé des Finances. Ces prélèvements et affectations contreviennent aux dispositions de l’arrêté n°21136 du 21 novembre 2017, modifié, qui prévoient, pour les soldes créditeurs de ces comptes de dépôt, le report ou la comptabilisation en recettes exceptionnelles.
Interpellé sur cette situation par la cour, le Ministre des Finances et du Budget d’alors affirme que les opérations de prélèvement et d’affectation sur comptes de dépôt « sont effectuées, conformément aux attributions du Ministre chargé des Finances relativement aux opérations de trésorerie de l’Etat. Cependant pour la Cour, les affectations de trésorerie relèvent du domaine de la loi de finances. Au regard de ces dispositions, le Ministre chargé des finances ne doit pas affecter le produit des emprunts à des comptes de dépôt pour y exécuter des opérations non autorisées par la loi de finances.
Ablaye Modou Ndiaye, correspondant à Paris