J’ai demandé à Dieu et à genoux de me laisser placer sur terre et demain au ciel
ma mère et mon père à ma droite
puis le prophète bien-aimé du côté où bat tout cœur, toute vie, toute foi Dieu LUI n’a Sa Place ni à droite ni à gauche
Il est Maître de toutes les places Créateur de toutes les places Lui qui précède toutes choses
Je ne suis rien d’autre qu’un tas de peau éphémère de chair et d’os rien d’autre que de la poudre sans géométrie
rien d’autre qu’un petit serviteur parmi des serviteurs plus grands plus beaux Dieu sait les reconnaitre
Et à mon Seigneur ensuite
j’ai demandé de placer LUI-MÊME Al Makhtoum celui que je veux ici chanter
Il est un cratère de l’esprit une irruption irradiante
la beauté bouleversante des sommets de montagne
cet homme de Dieu est bien une montagne que la montagne connait cet homme que Dieu a fait naître dans le pays où je suis né
cet homme dont le verbe éventre tous les mystères comme si Allah avait mis dans sa langue toutes les clefs des hautes cimes
sur son front tous les codes des hauts signes des sinueux labyrinthes sous ses pieds toutes les échelles des hautes collines de l’âme
Je te chante Serigne Cheikh je te chante Tidiane
je te chante Sy
je te chante Al Makhtoum
je te chante Ô Khalife et bénis soit ta lignée je chante ton père et le père de tes pères
je chante ta confrérie celle de Dembel mon père nourri de son lait et de ses éclats je chante ta confrérie fraternelle et sœur de toute paix
de toute foi de toute générosité je te chante
je chante ton esprit éolien mer et océan
tes mots virginaux au long cours
Cheikh toi l’insulaire tu ouvres toutes serrures l’esprit est ta plume l’esprit est ton épée
l’esprit est ton salut
l’esprit a nourrit ton âme et hissé haut ton bâton du berger le silence de la métaphore est le moteur de ton message car tu as appris de la lumière les enseignements de l’ombre
tu sais que toute parole gémellaire est sœur d’un long séjour en Dieu que tout chemin avec LUI est complice d’une intime humilité
Du Coran tu as fait ton miel
du matin ton repas ton breuvage ton lit ton oreiller ta musique le plus bel anneau à tes doigts
ton chant du sommeil
ta pendule pour le réveil de tous les Livres tu as fait tes haltes sur le chemin des saints
posé ton front brûlant sur les pages des livres de la foi et ta pensée plus profonde que le puits foré depuis la montagne a dompté les énigmes sur le fil des âges le long des longues retraites entre ciel et terre
forgé ta voix claire-rauque
ta voix sans hâte comme la corde qui va chercher l’eau et que commande un bras sans sueur patient et sûr
Gloire à toi le petit fils de Maïdo Malick
toi de la lignée de Dabakh le guide aux mains de mille tisserands à la parole de tison les jours de grand froid
au message de gratitude sans fin pour le Prophète merci Cheikh
merci de garder la route droite pour Tivaouane
de fleurir de hautes prières les mausolées des pères de tes pères merci
merci pour les prêches et l’étoile de Maodo sur les fronts merci
merci les semences
merci pour l’eau pour les bœufs pour les sillons profonds
merci pour les bourgeons le soleil le premier cri des fruits les premiers parfums merci des leçons de vie des leçons de mort
merci de nous préparer à la Table de Dieu
à Son miel d’une seule abeille mais aussi à Son eau douce sucrée merci
merci Cheikh
tu nous manques
mais tu nous habites de ta voix de sucre et de guitare basse
tu nous habites de ta lumière de tes mots brûlants lents pénétrants obsédants ton esprit nous habite nous donne le pain quand le pain manque
quand la paix manque le courage la patience quand l’espoir se dérobe
Nous avons appris que des talibés au front modeste aux habits humbles aux voix et aux mains douces ont demandé de te porter sous terre
et ta haute lignée a béni leur vœu Comment ne pas penser à ceux qui ont
eu le courage de porter Mohamed sous terre
qui a donc eu la force et le courage de porter Mohamed sous terre lui qui est à la fois la terre et le ciel tel que Dieu l’a voulu Comment croire qu’un tel corps une telle âme a pu être enseveli
Gloire à Dieu qui laisse enterrer Son prophète qui laisse la terre se refermer sur Son Joyau pour nous apprendre à mourir sans bruit
Ô Cheikh nous avons imaginé ton front et tes mots face à l’ange de la mort et puis devant Allah Ton Créateur
que donc as-tu dit à Allah Lui qui t’attendait et toi si pressé de Le voir Dis-nous ce que tu Lui as dit et pourquoi Il souriait
Nous avons vu ce jour-là le soleil passer ses bras autour de la lune il était cinq heures à Dakar et minuit à Tivaoune…
Que c’était-il donc passé là-haut Ô Cheikh qu’as-tu donc dit et Lui qu’a-t-IL donc répondu
Pourquoi donc personne ne revient pour nous conter Son Visage
Il paraitrait qu’il y fait si beau à Ses côtés dans Son Royaume que le souvenir de la terre s’oublie s’efface comme si rien n’avait jamais existé avant
Ô Cheikh c’est ainsi que je soigne ma douleur ici sur terre
moi qui souffre tant de l’ absence du silence de papa et de Binta peule ma mère pas un mot pas une voix depuis leur voyage près de Dieu sauf une visite une seule en rêve quand papa m’est apparu en terre d’Éthiopie… Que faisait-il donc en terre d’Éthiopie
Ô Cheikh puisse un jour que tu viennes dans mes nuits
mes nuits de longue lecture de songe de doute d’angoisse de mort habiter mes rêves et me conter ta première apparition devant LUI
Je rendrais alors aux hommes de la terre par ma plume qu’IL tient toujours ce que tu m’auras confié
ce n’est qu’une prière Ô Al Makhtoum rien qu’une prière
la prière d’un poète fatigué et las de la terre qui nous ment…
Quant aux hommes ils ne mentent plus car il y a longtemps qu’ils sont morts et
pas même un lambeau de peau où abriter un os …
Par Amadou Lamine Sall