En 2019, la vie publique au Sénégal a été rythmée par l’élection présidentielle de février et ses retombées. Les élections se sont tenues dans un climat de controverse après l’approbation de la loi de 2018 exigeant que les candidats à la présidence obtiennent, pour se qualifier, les signatures d’environ 1 pour cent des votants dans sept régions. La nouvelle loi a considérablement réduit le nombre des candidats. Sur les vingt-sept candidats qui avaient déposé leur candidature auprès du Conseil constitutionnel pour se présenter aux élections, seuls sept ont été acceptés, et parmi eux le président sortant Macky Salla, dont la candidature a été considérée par certains comme une violation de sa promesse de réduire le nombre de ses mandats. Deux candidats de l’opposition ont été disqualifiés après avoir été condamnés pour détournement de fonds publics, peu de temps après avoir annoncé leur candidature.
Le ministère de l’Intérieur n’a pas communiqué de données sur le nombre d’OSC depuis plusieurs années. D’après des estimations, les OSC enregistrées comprennent plus de 10 000 associations et 589 organisations non gouvernementales. De nombreuses organisations non enregistrées sont également actives.
CONTEXTE JURIDIQUE: 5,0
Le contexte juridique des OSC sénégalaises n’a pas changé en 2019. Les OSC relevaient toujours de la loi n° 76040 de 1976. Le ministre de l’Intérieur approuve tous les enregistrements et supervise toutes les OSC. Après deux années d’existence, les OSC peuvent demander le statut d’ONG en vertu du décret no 2015-145. Le statut d’ONG leur confère le droit à certaines exonérations d’impôts et de droits de douane. Une commission consultative interministérielle approuve les demandes de statut d’ONG, mais ces demandes sont traitées avec lenteur, car la commission se réunit rarement. Les retards d’acquisition du statut d’ONG peuvent engendrer des problèmes pour les organisations qui ont déjà accepté des calendriers de projet avec des donateurs. Les ONG ont souvent des programmes de dépenses pluriannuels approuvés et financés par l’État, et doivent produire des rapports annuels conformément au décret no 2015-145.
Les OSC peuvent faire des offres pour des marchés publics, mais après avoir signé les contrats, elles sont souvent payées en retard ou pas du tout. Les OSC ont le droit de vendre des biens et des services et d’avoir des entreprises à caractère social à condition que leurs bénéfices servent à financer leur mission.
Des juristes professionnels à Dakar et dans des villes de l’intérieur sont capables de répondre aux sollicitations juridiques des OSC. Les OSC de défense les droits humains ont souvent des juristes dans leurs effectifs qui accompagnent, généralement à titre gracieux, les requêtes de citoyens et d’OSC qui n’ont pas les moyens d’accéder aux professionnels du privé. Ces clients font souvent face aux problèmes rencontrés par les populations vulnérables, comme l’absence de protection des femmes et des enfants ou les affaires foncières.
CAPACITÉ ORGANISATIONNELLE: 4,1
La capacité organisationnelle des OSC sénégalaises n’a pas changé en 2019. Les OSC ont continué d’autonomiser les communautés grâce au renforcement des capacités et au transfert des ressources. Les démarches et les méthodes d’intervention des OSC ont fait leurs preuves, et elles leur permettent d’entretenir de bonnes relations avec leurs communautés. Parmi les OSC connues pour leurs relations particulièrement solides avec leurs bénéficiaires, on peut citer l’Union pour la solidarité et l’entraide (USE), Ndeyi Jirim, Eau vive, et le Collectif pour la modernisation des Daara. Toutefois, la plupart des projets sont de courte durée (de six mois à deux ans), ce qui représente une forte contrainte pour obtenir un impact réel et durable. La capacité des OSC à prendre l’initiative diminue parce qu’elles peuvent de moins en moins choisir librement et en toute responsabilité leurs thématiques, leurs zones d’intervention, ces paramètres étant plutôt définis en amont par les bailleurs.
La loi exige que les OSC enregistrées aient des instances statutaires telles que les assemblées générales, les conseils d’administration et les comités exécutifs. Ces instances ont généralement du mal à fonctionner par manque de ressources. Indice de Perennisation des Organisations de la Société Civile au Sénégal en 2019
Les OSC ont pleinement recours aux technologies numériques malgré la faiblesse de leurs ressources, ce qui rend souvent les services internet inabordables. Les personnels disposent de smartphones qu’ils utilisent régulièrement pour leurs projets. Les smartphones ont permis d’améliorer la qualité du travail des OSC ces dernières années.
VIABILITÉ FINANCIÈRE: 4,9
La viabilité financière des OSC était stable en 2019. Les ressources financières des OSC varient pour ce qui est de leur origine, leur volume et leurs conditions d’utilisation. En général, les financements sont de courte durée et pratiquement aucun projet ne dure plus de trois ans.
Les principaux bailleurs internationaux au Sénégal comprennent l’USAID, l’Union européenne et le gouvernement français. Plusieurs autres bailleurs relevant de la coopération bilatérale ont des programmes de moindre envergure financière, ciblant un seul secteur ou localisés. Le montant exact des financements en 2019 n’est pas disponible. Une grande partie des fonds des donateurs a continué de se diriger vers les projets des secteurs de la santé et de l’éducation. En 2019, l’UE a annoncé une aide de 4 millions EUR (environ 4,5 millions USD) pour la société civile en vue d’encourager un dialogue constructif entre les OSC, l’État, le secteur privé et les partenaires de développement du Sénégal. Sinon, les bailleurs étrangers offrent peu de soutien direct aux OSC locales qui doivent en général se faire concurrence pour obtenir un financement sous les auspices des OSC internationales. Comme elles jouent un rôle de soutien auprès d’organisations de premier plan à forte visibilité, les OSC sénégalaises n’ont pas la possibilité d’améliorer leurs capacités organisationnelles et d’accroître leur visibilité auprès des donateurs potentiels et du public.
Les OSC ont des difficultés d’accès au financement public. Certaines organisations signent des contrats de service avec l’État pour des projets dans la gouvernance, l’éducation, l’eau potable et l’assainissement ou la santé. Le ministère des Finances accorde parfois aux OSC des financements à court terme pour appuyer la mise en œuvre de projets approuvés, en recourant à des ressources de bailleurs tels que l’UE.
L’équipe de direction des grandes OSC comprend en général des responsables financiers et comptables compétents. Mais pour ce qui est des autres OSC, la faiblesse des ressources entrave le recrutement et de maintien des compétences en gestion financière.
PLAIDOYER: 3,5
Le plaidoyer des OSC a légèrement progressé en 2019, car les organisations de femmes ont fait des progrès importants en se mobilisant en appui à une loi pénalisant le viol et la pédophilie et les OSC ont joué un rôle de médiateur neutre dans les discussions entre la majorité au pouvoir et les partis de l’opposition au sujet des élections.
Les OSC coopèrent régulièrement avec l’État dans le cadre de politiques publiques et de programmes tels que le Programme 2030 pour le développement durable, qui est aligné sur les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Les OSC participent au Conseil économique, social et environnemental et contribuent au travail des organes de veille tels que l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption et l’Autorité de régulation des marchés publics. L’administration centrale et les OSC se rencontrent régulièrement dans des concertations, des initiatives de planification stratégique et des conférences internationales sur des thématiques diverses telles que l’accès à l’eau et l’assainissement, les femmes, la santé de la reproduction et l’éducation. Les OSC rédigent souvent des documents de position pour soutenir leurs initiatives qui visent à influer sur la politique publique. En 2019 par exemple, le groupe de travail du CONGAD sur le suivi des ODD, la Plateforme des OSC pour le suivi des ODD (POSCO Agenda-2030), et le Groupe national des partenaires de l’éducation et de la formation (GNPEF) ont soumis un document de position lors de l’examen annuel du programme éducatif et ont contribué au rapport annuel sur la mise en œuvre des ODD.
Les organisations membres du CONGAD ont réuni des parties prenantes des quatorze régions du Sénégal et de la diaspora pour les Assises nationales de la société civile en février 2019. Les assises ont discuté des stratégies de renforcement du rôle des OSC dans le processus de développement.
PRESTATION DE SERVICES: 3,7
La prestation de service n’a pas changé en 2019. Les OSC ont continué d’offrir des services dans de nombreux domaines. Par exemple dans le secteur de l’éducation, les OSC travaillent sur une large gamme de problèmes, y compris l’exclusion de certains enfants du système éducatif, l’éducation des filles, les modèles éducatifs non traditionnels, l’alphabétisation et la formation professionnelle des jeunes et des adultes. Les OSC se sont particulièrement investies dans l’employabilité des jeunes. L’organisation internationale Education Développement Center (ECD) a continué de coopérer avec le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat sur un nouveau programme d’employabilité des jeunes dans le système éducatif national, CARITAS, l’Alliance nationale des unions chrétiennes de jeunes gens du Sénégal (YMCA), Jeunesse et Développement (JED) et Entreprises du Monde (EDM) ont contractualisé avec EDC mener des diagnostics participatifs communautaires, établir clubs d’entrepreneuriat, le service communautaire, et fournir de l’apprentissage en milieu professionnel et d’autres services aux bénéficiaires.
Les OSC estiment en général que les analyses de situation sont un préalable à leur travail sur le terrain, et elles effectuent de plus en plus une planification qui requiert une bonne connaissance de l’environnement et des acteurs cibles.
À la demande des OSC, le gouvernement a reconnu qu’une bonne gouvernance est essentielle pour le renforcement de la transparence et de la redevabilité dans les secteurs sociaux clés comme la santé, l’éducation, et l’eau. L’État reconnaît la valeur ajoutée des OSC dans la prestation et la supervision de services de base. Par exemple, dans son évaluation de 2019 des travaux de l’organisation Helen Keller International à Dakar, Thiès et Tambacounda, le ministère de l’Intérieur a souligné les réalisations importantes de celle-ci, notamment un changement social bénéfique et une amélioration de la qualité, de la couverture et de l’utilisation des services pour traiter la malnutrition aiguë.
INFRASTRUCTURE SECTORIELLE: 4,4
L’infrastructure de soutien du secteur des OSC s’est légèrement améliorée en 2019, parce que les OSC ont coopéré de plus en plus entre elles et avec des partenaires d’autres secteurs. Plusieurs centres de ressources facilitent les contacts et la discussion entre OSC et les aident à créer des relations avec des partenaires de développement. Par exemple, le Réseau migration et développement (REMIDEV) gère des centres de ressources pour renforcer les capacités de ses membres sur les questions de migration. Les organisations de soutien intermédiaires (OSI) comme le CONGAD, Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO), et le Cadre national de concertation des ruraux (CNCR) offrent à leurs membres des formations et un renforcement de capacités sur la gestion de projet, le suivi citoyen, le dialogue politique, le plaidoyer et dans d’autres domaines. Le CONGAD aide aussi les associations à effectuer les procédures administratives d’enregistrement en tant qu’ONG et à préparer des programmes d’investissement. Ces services ne sont pas générateurs de revenus.
Les OSC cultivent des relations de collaboration avec d’autres secteurs. Par exemple, en 2019, le Centre forestier de Thiès et le Centre Tostan collaborent avec des services publics dans le cadre de formations, de discussions et autres événements dans des secteurs comme l’agriculture, la santé et l’éducation. Action et Développement (AcDev) et le Centre Kaidara, une ferme éducative, ont été le fer de lance de l’Université de la santé, un Indice de Perennisation des Organisations de la Société Civile au Sénégal en 2019
Les OSC ont peu d’interactions importantes avec les entreprises, sauf la PFAnE, créée dans le cadre des Accords de Cotonou pour, entre autres, promouvoir un dialogue sur le rôle des OSC dans la vie publique nationale.
IMAGE PUBLIQUE: 3,6
L’image publique des OSC n’a pas changé en 2019. Les médias mènent et publient régulièrement des interviews avec des représentants des OSC, en marge d’articles sur leurs activités. Par exemple, les activités réalisées dans le cadre des ODD en 2019 ont été toutes couvertes par l’essentiel les principaux médias : presse quotidienne, radio, télévision, sites web et réseaux sociaux. Les OSC invitent les journalistes à leurs grands événements et remboursent en général leur transport, mais ne les paient pas pour les prestations fournies.
Les discussions ont continué en 2019 pour améliorer les normes éthiques parmi les OSC. Lors des Assises nationales de la société civile, il a été proposé de rédiger une ébauche de code commun pour le secteur des OSC, basé sur le code d’éthique des membres du CONGAD. Ce nouveau code n’a toutefois pas été rédigé en 2019. Les OSC rédigent et soumettent régulièrement des rapports annuels, puisque c’est une disposition statutaire interne, une obligation légale et une exigence officielle des bailleurs.
Clause de non-responsabilité: les opinions exprimées dans ce document sont celles des intervenants et des autres chercheurs du projet et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l’USAID ou de FHI 360.
Capitale: Dakar
Population: 15.736.368
PIB par habitant (PPA): 3.500 $
Indice de Développement Humain: Faible (0,514)
La liberté dans le Monde: Partiellement Libre (71/100)