Exil à Dakar, commission d’enquête, procès devant les CAE, condamnation à vie…
Hissène Habré, 79 ans, a été condamné le 30 mai 2016 à la prison à vie par le juge des Chambres africaines extraordinaires (CAE). C’était à l’issue d’un procès mouvementé à l’issue duquel, l’ex dictateur, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, a été déclaré coupable de crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement. De l’exil à Dakar, en passant par son procès devant les CAE, jusqu’à la condamnation à vie, voici la chronologie des vingt-et-un ans de l’affaire judiciaire impliquant l’ex-président tchadien.
1990, l’exil à Dakar pour fuir l’avancée des troupes rebelles d’Idriss Déby
Pour fuir l’avancée des troupes rebelles d’Idriss Déby, Hissène Habré s’était exilé à Dakar, où il avait obtenu l’asile politique, en décembre 1990. Au Tchad, l’ex-dictateur est accusé d’avoir brutalement réprimé ses opposants. La plupart d’entre eux ont été arrêtés par la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), avant d’être torturés, parfois exécutés.
21 mai 1992, création d’une commission d’enquête visant Hissène Habré
Delà, une commission d’enquête sur « les crimes et détournements » commis par l’ex-homme fort de N’Diaména a été mise en place. Les enquêteurs ont estimé à 40 000 le nombre de personnes exécutées ou mortes en détention. 4 000 victimes ont été identifiées. Il a été nécessaire de faire appel à des témoins. Des milliers de victimes ont été interrogées, des fosses communes visitées avec des experts, des documents de la DDS, la police de Habré, étudiés.
27 janvier 2000, ouverture d’une information judiciaire contre Hissène, à Dakar
C’est le 27 janvier 2000 qu’une information judiciaire a été ouverte à Dakar contre Hissène Habré pour « crimes contre l’humanité et actes de torture ». Cela fait suite à un dépôt de plainte par des ressortissants tchadiens et autres ONG. Il sera inculpé, une semaine après, pour « complicité d’actes de torture ». Début novembre, les plaintes ont tombé de partout, après constitution de partie civile d’une vingtaine de victimes en Belgique.
19 septembre 2005, mandat d’arrêt international contre Habré prononcé par les autorités belges
Les autorités belges, qui avaient adopté une loi de « compétence universelle », ont lancé, le 19 septembre 2005, un mandat d’arrêt international contre l’ex-président tchadien, en demandant son extradition. « Violations graves du droit humanitaire international », c’est le chef d’accusation visé dans l’acte d’accusation produit par la justice belge. Le 15 novembre, il a été arrêté puis relâché après que la Cour d’appel de Dakar se déclare incompétente. Ce qui n’a pas empêché la justice tchadienne de mener à bien la mission qui lui avait été assignée.
15 août 2008, Habré condamné à mort par contumace au Tchad
C’est le 15 août 2008 que le juge de N’Djaména a prononcé une condamnation à mort par contumace de Hissène Habré et onze chefs rebelles pour « atteinte à la sécurité de l’État ». Il lui était reproché, contrairement à la procédure engagée à Dakar, d’avoir « soutenu les rebelles » après sa chute.
25 juin 2012, Macky Sall dit niet à l’extradition de Habré vers la Belgique
Beaucoup d’encre a coulé après la décision du président sénégalais, Macky Sall, de ne pas approuver l’extradition de Habré vers la Belgique. Le Chef de l’État avait informé, le 25 juin 2012, l’opinion internationale de la possibilité de faire juger les cas impliquant des crimes et violations des droits de l’homme au Sénégal. Bien avant cela, notre pays, mandaté depuis 2006 par l’UA, a été mis en demeure par la Cour internationale de justice (CIJ) qui avait réclamé des poursuites ou une extradition.
22 août 2012, signature d’un accord entre le Sénégal et l’UA pour la création des CAE
S’il est finalement décidé que c’est le pays de la Téranga qui jugera Habré, c’est parce que l’Union Africaine (UA) a précédemment signé un accord, qui a été ratifié par le Parlement, portant création de quatre « chambres africaines extraordinaires » (CAE) : deux pour l’instruction et l’accusation, une cour d’assises et une cour d’appel.
30 juin 2013, Hissène Habré placé en garde à vue à Dakar
C’est finalement le 30 juin 2013 qu’Hissène Habré a été placé en garde à vue à Dakar, avant d’être inculpé, en juillet de la même année, de « crimes de guerre, crimes contre l’humanité et tortures ». Le juge des Chambres africaines extraordinaires (CAE) l’avait placé en détention provisoire, en compagnie de cinq autres responsables de la répression sous son régime.
20 juillet 2015, ouverture mouvementée du procès de Habré devant les CAE
Deux ans d’instruction pour une affaire politico-judiciaire n’excédant pas « le délai raisonnable » que peut attendre un chef d’État pour être jugé. En 2015, nous avons pu assister à l’ouverture mouvementée du procès Hissène Habré devant les CAE. Cette juridiction s’est attirée les railleries de l’ex-président tchadien, faisant silence radio devant le juge.
30 mai 2016, Habré condamné à la prison à vie pour crimes contre l’humanité, viols, exécutions…
Hissène Habré, 73 ans à l’époque, a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvements. S’en est suivie une condamnation à la prison à vie, comme demandé par le procureur spécial qui avait réclamé « une condamnation à la hauteur des crimes » dont il est accusé.
6 avril 2020, placement en résidence surveillée de l’ex-dictateur tchadien
Après quatre années de détention, l’ex-dictateur tchadien a été placé en résidence surveillée, officiellement en raison de l’épidémie de Covid-19. Il avait ainsi quitté la prison du Cap Manuel, après un transfèrement pour deux mois seulement, dans sa résidence de Dakar au Sénégal.
18 avril 2021, le juge de l’application des peines refuse de libérer Hissène Habré
La demande de libération de l’ex-président tchadien, Hissène Habré, condamné à perpétuité par les CAE pour crimes contre l’humanité, a été rejetée par le juge de l’application des peines au Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, le dimanche 18 avril 2021. Mes Ibrahima Diawara et François Serres, qui avaient déposé le 29 mars 2021 une « demande de permission » visant la libération de leur client, n’ont pas obtenu gain de cause. Et ce malgré le fait que des membres de la société civile se sont fait entendre à ce sujet…