Les événements survenus au Sénégal en mars 2021 puis en juin 2023 resteront tristement gravés dans la mémoire des Sénégalais. Un mécontentement généralisé, soutenu ou entretenu à tort ou à raison par des faiseurs d’opinion sur les places publiques et sur Internet, a conduit à la destruction d’édifices publics, de commerces et à des agressions verbales ou physiques contre des autorités perçues comme responsables de tous les maux.
Le cas Emerse Faé vient de nous administrer une leçon magistrale, à travers la manière dont la Côte d’Ivoire a géré une désillusion nationale lors de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2023.
Après une défaite humiliante de 4-0 de la Côte d’Ivoire face à un « petit » pays, lors de la CAN 2023, les Ivoiriens ont réagi de manière paradoxalement violente mais en même temps constructive. Contrairement aux troubles au Sénégal, les Ivoiriens n’ont pas sapé les bases de la relance. En effet, bien que l’indignation, le désespoir aient été à leur paroxysme, les stades n’ont pas été détruits, les chaises n’ont pas été saccagées, les pelouses n’ont pas été incendiées, les joueurs bien que menacés, n’ont pas été agressés. Cette réaction intelligente a démontré que la colère peut être canalisée, gérée de manière constructive.
Ce comportement salutaire des Ivoiriens après la défaite, a servi Emerse Faé, l’entraineur remplaçant, que personne n’attendait à ce niveau : les Ivoiriens lui ont permis de disposer de joueurs aptes (agressés, ils seraient inaptes, certains seraient rentrés dans leurs clubs respectifs), de maintenir l’unité et la ferveur au sein de l’équipe. Donc malgré les critiques sévères envers Idriss Diallo, président de la Fédération ivoirienne de football (FIF), les Ivoiriens n’ont pas laissé la défaite ternir leur nation. Si Emerse Faé avait hérité d’une équipe victime d’agressions, de menaces, et de stades saccagés, la Côte d’Ivoire n’aurait jamais célébré avec autant de bonheur ses victoires contre le Sénégal et le Mali, jusqu’à entrevoir un avenir des plus radieux : être les champions d’Afrique. Les joueurs auraient quitté le regroupement, la CAF aurait certainement suspendu les compétitions. Comme quoi, la pluie est toujours suivie du beau temps.
Les Sénégalaises et Sénégalais ont donc la responsabilité de tirer des enseignements de cette jurisprudence ivoirienne. Le président Macky Sall a annoncé qu’il quittera le pouvoir, à l’image de Jean Louis Gasset. Oui, comme les Ivoiriens l’ont fait avec ce dernier, que ceux qui veulent lui mettre la presse pour qu’il parte effectivement ne s’en privent pas, il y a tellement de moyens, légaux, institutionnels… Les Sénégalais ont assez intelligents pour les trouver. Parce qu’en tout état de cause, il est impératif de permettre à son successeur de capitaliser sur les acquis, que ce soit au niveau administratif, infrastructurel ou budgétaire, afin de garantir des succès immédiats après l’alternance.
En suivant l’exemple ivoirien, le Sénégal peut éviter les ravages de la destruction de biens publics et privés, de menaces à l’intégrité physique des individus, permettant ainsi à l’équipe à venir de partir sur des bases qui permettent d’embrayer sans aucun répit sur les changements qu’elle veut opérer.
Eh oui ! On détruit le TER, on brule les infrastructures du BRT, on caillasse les bus de Dakar Dem Dim. Et après ? Quel ministre, quel député, ou le Président en souffre ? Nous savons toutes et tous la réponse. Mais certainement la CAF va programmer les prochaines rencontres de Lions (éliminatoires Coupe du Monde et CAN 2025) au Maroc ou en Guinée ; ceux parmi nous qui travaillent à Mbour sont privés du bus qui fait 1h de route pour 2500 F ; nos enfants, frères, sœurs, nièces ne vont pas à l’école ; nos parents malades ne peuvent pas à aller à leur RV à l’hôpital ; nos mamans et sœurs vendeuses à l’étal sont incapables de faire leurs recettes journalières, avec la conséquence que ce ou ces jours, la marmite ne bout pas ; certains ratent leur vol de retour et probablement leur emploi car ils ne sont pas de retour au travail à temps, alors que de leur sueur à l’étranger vivent les membres de la famille ; …
La Côte d’Ivoire, à travers l’attitude de ses citoyens, a offert une leçon magistrale au Sénégal sur la manière de gérer une crise sans recourir à la violence destructrice. La réussite d’Emerse Faé a permis aux Ivoiriens de se réjouir après des défaites initiales. Une autre leçon importante réside dans la capacité d’un leader à en cacher un autre : quand les Ivoiriens ont perdu, ils ont fait des pieds et des mains pour ramener le « messie » Hervé Renard. Cependant, c’est le second, presque inconnu au bataillon, sinon sur qui on ne misait nullement, qui est arrivé et qui a réussi le miracle. Cela prouve ainsi que dans un environnement où les bases sont intactes, la réussite est possible et même très probable dans des délais très courts, sans que cela soit forcément le fait d’un « messie ».
Il faut juste que notre comportement permette au prochain président de ne pas perdre du temps à reconstruire, mais à construire et en pleine vitesse.
Focus Sénégal en paix en 2024 !
Préservons Nos biens publics, il y a bien d’autres moyens de combattre !
Doudou NDIAYE- Consultant en communication