On a l’habitude de dire que le temps de la justice n’est pas celui des hommes. Mais ce n’est pas une raison pour que les trois pertes en vies humaines enregistrées lors des dernières manifestations à Ziguinchor et aussi celles chiffrées à 14, en mars 2021 restent toujours impunies.
Jusque-là, on ne connaît rien sur les auteurs de ces actes et les familles des victimes restent inquiètes. Et aussi, on a connu entre temps d’autres cas comme celui de François Mancabou, arrêté dans le cadre de l’affaire des forces spéciales et mort en prison. Posez à n’importe qui la question à savoir, si l’on doit passer par perte et profit de ces morts qui se comptent désormais.
Tout de suite, l’on répond par la négative et d’ailleurs c’est évident!
Mais ce que l’on oublie souvent, c’est que la vie humaine est sacrée. Le Pape François disait: « Disons “Oui” à la vie et “Non” à la mort ». Pour le souverain pontif, « Toute vie a une valeur inestimable. Même celle des plus faibles et des plus vulnérables, sont des chefs d’œuvre parmi la création de Dieu ».
Donc toute perte en vie humaine est censée être élucidée.
Maintenant, si d’aucuns accusent l’Etat d’être débiteur en pareille situation faute d’ouverture d’une enquête à temps pour déterminer les circonstances des décès et rechercher les auteurs, c’est parce que l’Etat, premier garant de la sécurité des personnes et de leurs biens a l’obligation de fournir des explications à la population sur l’évolution des enquêtes s’il y en a bien évidemment.
En écoutant l’autre jour la radio, je suis tombé sur M. Sengane Senghor, chargé des affaires juridiques et de la protection à la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), déclarer que « si l’on reste deux à trois ans avant d’ouvrir une enquête, les preuves et les indices dépérissent et peuvent même être effacées malgré que certaines peuvent être retrouvées sur les réseaux sociaux ». Face à Me Pape Sène, il a rappelé le cas du jeune des parcelles assainies « visé à bout portant, comme s’il fallait tirer sur un lapin », qu’il faut éclaircir pour que nul n’en ignore, les origines des « bavures ».
Ces soupçons de manque de volonté de la part de l’autorité pour élucider ces cas de décès planent toujours et devraient être levés pour ne pas laisser croire que l’on encourage l’impunité selon M. Senghor.
Le défenseur des droits de l’homme n’a pas manqué d’évoquer aussi « un rapport sur les violences de 2011-2012 envoyé aux Nations unies dans lequel 25 cas ont été retenus, mais avec 7 décès seulement et 22 blessés. Et sur les 7 décès, ils n’ont reconnu que 5 morts qui peuvent être imputés à la police et à la gendarmerie dont les parents n’ont reçu que 10 millions, pour les 2 autres ils disent qu’on ne peut pas mettre en cause les Forces de défense et de sécurité (FDS). Les autres blessés, c’était 20, pour les 3, ils ont reconnu que c’était lié à l’action des forces de défense et de sécurité. Chaque victime a reçu 4 millions, pour les 17 autres, ils ont reconnu mais en disant que les pièces étaient incomplètes et pour 3 autres qui portent le chiffre à 23 dont Alioune Tine, ils disent, on ne peut pas mettre en cause le FDS ».
La balle saisie au rebond, Me Pape Séne, Président du comité sénégalais des droits de l’homme a lui, évoqué la largeur du tableau avec tous ces événements qui ont porté préjudice à la vie humaine, à l’intégrité physique de certaines personnes et à des biens appartenant à autrui et à l’Etat, non sans affirmer sur rfm qu’ « il faut nécessairement et obligatoirement des suites judiciaires ».
Pour le président du comité sénégalais des droits humains, dans un État de droit, on ne peut pas passer pour pertes et profits, affirmant lui aussi qu’il appartient à l’Etat par le biais de la machine judiciaire, d’ordonner l’ouverture d’une enquête.
La réponse est certes on ne peut plus claire mais, la question reste à savoir le pourquoi on ne met pas la même énergie que lorsque l’on veut mettre aux arrêts des fauteurs de troubles ou autres présumées personnes appelant à l’insurrection sur les réseaux sociaux?
On laisse une porte ouverte à l’impunité alors qu’en tout état de cause et de quelques bords que cela puisse se situer, des enquêtes devraient être menées et des suites judiciaires données dans ce sens.
Parce que également, non seulement l’Etat a besoin de savoir ce qui s’est réellement passé, mais les familles des victimes ont, elles aussi, à leur niveau, besoin d’avoir une idée sur comment leurs parents ont perdu la vie, avant maintenant, de songer à la question de la réparation des préjudices subis, pour dire que tout le monde a intérêt que des enquêtes soient ouvertes et les responsabilités situées dans l’impartialité et l’indépendance totale.
Car la vie humaine est sacrée, précieuse et inviolable et nul n’a le droit de la ôter quelle qu’en soit la raison.
Aly Saleh Journaliste/Chroniqueur