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Visite à la tombe de ma grand-mère Seynabou- (par Mamadou Dia)

Au nom de Dieu le Miséricorde Dieu

Mame, Cri du cœur d’un cahier de retour second au pays Natal

Témoignage vivant d’un témoin vivant de l’aventure en Pirogue

Cela fait bien longtemps que je ne suis pas revenu te voir dans ta demeure éternelle, ta tombe. Pour prier pour toi et que tu pries pour moi. Amen.

La dernière fois que je suis venu à toi, tu me demandais des nouvelles du pays et de sa jeunesse.

Tes interrogations demeurent. Le pays est en ébullition, les sénégalais sont devenus violents. Meurtres, viols, agressions, nous n’avons jamais été aussi violents, de mémoire d’anciens, dans l’époque moderne

Même la pluie s’y met.  À Gandiol, comme ailleurs dans notre région, la chaleur est accablante. Le plus grand rêve de tous reste la promesse des nuages et de la pluie

Mame, cela fait un moment que je veux te parler.

A chaque fois qu’une pirogue chavire, qu’un meurtre se commet, que des terres sont arrachées aux cultivateurs ou aux éleveurs, que des enfants sont sacrifiés ou leur maman, je pense à toi, à la manière de ton souci de notre paix, de notre dignité, et de notre liberté.

Le pays supplie la pluie, et la jeunesse prie pour la liberté. Porte Nos Prières au tout puissant pour sa miséricorde

Ils veulent jouir de leur droit à être, et à participer au Monde. Aller et venir, compétir aux JO, exposer leurs idées, leur art, leur culture, etc.

Leur monde, leur proches, leur environnement sociétal ne les comprend pas, même ceux qui passent le plus de temps avec eux. Quelles que soient les raisons (agriculture sans perspectives, pauvreté, espoir, difficultés du pays.). Des milliers de mots, des réflexions, mais les pirogues continuent de partir et les morts s’accumulent.

«Nous allons sensibiliser les jeunes », disent beaucoup. D’autres disent qu’ils ont perdu la tête. Certains affirment qu’il faut leur donner du travail, d’autres encore qu’il faut leur offrir une formation… Mame, des pirogues de Gandiol, plus de 300 personnes ont perdu la vie.

Sur toutes les plages du Sénégal, ils sont des centaines, et la dernière tragédie a emporté 170 vies.

Mbour. Thiaroye, Joal, Kayar… toute la côte a déjà connu ces tragédies.

Nous avons de nouvelles autorités politiques, avec un discours de rupture qui a osé poser le problème différemment. De Mbour, il a insisté sur l’intensification des politiques incitatives pour maintenir la jeunesse de notre pays chez nous.

Je continue de dire qu’il faut trouver des solutions hors des (formation, fournir du travail, policiers et gendarmes, les peines de prison).  Il faut parler avec nos mamans, nos fatiguées mamans qui après seules pleurent, tellement qu’elles n’ont plus de larmes.

Nous avons de nouvelles autorités politiques, avec un discours de rupture qui a osé poser le problème différemment, De Mbour, il a insisté sur l’intensification des politiques incitatives pour maintenir la jeunesse de notre pays chez nous.

Ces jeunes ne sont pas à l’origine des délinquants, ni des terroristes, encore moins des clandestins prédestinés. Ils sont nos frères, nos propres frères, c’est le fils de Papa Nala Diagne, c’est le fils de Ablaye Fall, c’est le frère a Assane Ndiaye, celui qui était au lycée avec moi, c’est le petit-fils de Yaye Coumba qui vendait les poissons…serions-nous injuste avec eux ?

Et on dit que les jeunes ont perdu la tête, qu’ils ont perdu leur dignité. Je sais que tu me demanderais pourquoi ils ne prennent pas l’avion.

Moi aussi, je me suis souvent posé la même question. La réponse est qu’ils ne peuvent pas (prix du billet, difficultés de visa…)

Quand je suis monté dans cette pirogue en 2006, je savais que je risquais tout, jusqu’à la possibilité de ne pas avoir des funérailles dignes, un adieu humain.

Aujourd’hui, ces 170 jeunes ne préoccupent plus personne, mais demain, ils seront encore plus nombreux. Ils continuent de nous interpeller, et nous restons sourds. Ce n’est pas de la pauvreté, ce n’est pas du désespoir, ils ne partent pas QUE pour chercher du travail. Ils demandent simplement un droit humain fondamental : le droit à la dignité et à l’égalité des chances.

Ils nous interpellent pour porter un regard sur la notion de l’injustice. L’INJUSTICE-en majuscule- alors que nous les considérons souvent comme des inconscients.

Et si, un instant, nous décidions de nous poser de nouvelles questions ?

Si nous arrêtions de penser aux solutions que nous avons en tête depuis plus de 20 ans ?

Et si ces 170 jeunes étaient Européens ? Et si ces 170 jeunes avaient eu des visas ?

La canicule persiste, la pluie refuse obstinément de tomber, et les pirogues continuent de chavirer…

Repose en paix, Mame, accueille cette jeunesse dans le jardin de ton paradis, là où je te vois et t’imagine. Qu’ils y grandissent et prospèrent, en paix. Qu’ils rencontrent la paix et la justice qu’ils ont tant désiré ici sur terre.

Avec amour et nostalgie,

Requiacet in pacem 

Mamadou Dia

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