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Pour une interdiction plus globale de toute publicité, de toute promotion, menaçant gravement la santé des populations- (Par Alioune Aw).

Dans un communiqué en date du 07/06/2024, le Ministère de la Santé et de l’Action sociale, s’insurge contre la fréquente diffusion sur les réseaux sociaux de publicités et offres de méthodes d’avortements, proposées aux femmes enceintes ou couples. Le MSAS alerte ainsi et met en garde les populations sur les dangers encourus par les avortements provoqués et menace de saisir les services de lutte contre la cybercriminalité pour rechercher et punir les auteurs de ces pratiques tout en demandant aux citoyens de dénoncer aux autorités et aux forces de défenses et de sécurité, tous lieux de propagande et d’offre et/ou de distribution de produits et moyens pour pratiquer ces avortements.

Cette initiative noble, est à magnifier et à encourager car préservant et protégeant la santé publique.

Toutefois, au regard de l’accroissement de la publicité multiforme interdite, agressive, tendancieuse, trompeuse et préjudiciable à la santé des populations, il sied également d’élargir les mesures coercitives à des produits toxiques (tabac et alcool), de consommation et autres cosmétiques nocifs. Signalons entre autres, les bouillons industriels, les cabinets médicaux ou de soins illégaux, les officines clandestines de pharmacie et de faux médicaments, les substances dépigmentant Il convient aussi de dissuader par des sanctions punitives, les charlatans embusqués dans le secteur de la médecine traditionnelle.

Il importe pour le MSAS, de mettre en œuvre des mécanismes concertés de contrôle et de lutte contre toutes ces formes de publicités en privilégiant une approche multisectorielle impliquant les Ministères de l’Intérieur et de la Sécurité publique, des Forces Armées, de la Communication, de l’Industrie et du Commerce.

Pour ce faire, il s’avère nécessaire de mettre en œuvre les dispositions ci-après : la Loi 83-20 du 28 Janvier 1983 relative à la publicité, la Loi n° 65-33 du 15 Mai 1965 portant modification des dispositions du Code de la Santé publique relatives à la préparation, à la vente et à la publicité des spécialités pharmaceutiques, la Loi n° 2006-04 du 04 Janvier 2006 portant création du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel ( CNRA ) , le Décret n° 67-147 du 10 Février 1967 instituant le Code de Déontologie médicale et les stipulations des cahiers de charges applicables aux organes de communication audiovisuelle . Il s’y ajoute le Projet de loi portant exercice de la Médecine Traditionnelle, transmis à l’Assemblée Nationale depuis Mai 2017 pour vote et qui demeure sans suite pour des raisons à la fois fallacieuses et obscures.

Les réseaux sociaux, plateformes virtuelles permettant l’interaction et le partage d’informations, occupent une place prépondérante dans la société. Leur influence est indéniable car favorisant une communication instantanée et une diffusion rapide de l’information. Cependant, ils peuvent également engendrer des problèmes, tels que le manque d’objectivité et la désinformation.

La publicité trompeuse est un phénomène qui prend de l’ampleur et qui peut avoir des conséquences néfastes pour les populations pour des raisons de diffusions d’informations fausses ou ambiguës pour influencer leur comportement.

L’explosion des médias dans le domaine de la santé, a établi pour les patients un nouvel espace d’information en termes d’interprétation de données scientifiques et de politiques publiques d’une part , et d’autre part a permis une meilleure compréhension des risques sanitaires et des enjeux de la promotion de la santé .

Dans le sous-secteur spécifique de la Médecine Traditionnelle, la surexposition publicitaire dont bénéficient des charlatans exaltant l’efficacité de leurs multiples recettes etc…, a fini d’agresser et de pénétrer l’intimité des foyers .

En 2016, Pr Oumar Faye, ancien Directeur Général de la Santé, dans une très brillante contribution, à la fois pertinente et très instructive, expliquait très clairement le pourquoi de cet engouement en ces termes : « le fait que les médias soient sensés conférer un statut et une légitimité aux questions dont ils s’emparent, peut amener les populations sénégalaises à se positionner positivement par rapport à cette publicité. Les professionnels appartenant à cette corporation, devraient donc se livrer à des analyses comparatives des torts et des bienfaits à promouvoir ce genre de prestataires. Le tort peut provenir du fait qu’ils encouragent l’exercice illégal de la médecine mais plus grave, ils favorisent la prolifération notamment en milieu urbain, de charlatans qui nuisent à la crédibilité de la vraie médecine traditionnelle, l’authentique. En définitive, ils font la promotion de pratiques souvent à l’origine de complications ou de décès. La crédibilité des journalistes auprès du public et des professionnels de santé, repose avant tout sur sa mise en situation de responsabilité. Malheureusement, malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation menées par les autorités sanitaires à l’endroit des responsables de la presse, cette question fait toujours l’objet d’un traitement incorrect. La persistance de cette publicité tendancieuse et trompeuse, tient d’abord et en grande partie à des raisons financières, c’est à dire que les journalistes, bien que conscients des risques sanitaires liés à cette publicité, n’en font pas cas du fait des ressources financières qu’elle génère. Enfin, cela tient au fait que les autorités ne font pas respecter la loi (83-02) ».

Dans cette optique, il faut reconnaitre que le MSAS en collaboration avec le CNRA, avait initié, vers les années 2014-2016, un protocole d’accord pour lutter contre la publicité trompeuse et tendancieuse. Le document, après stabilisation et validation par les deux structures, devait faire l’objet d’une cérémonie officielle de signature. Malheureusement, faute d’un suivi rigoureux, ladite séance de signature n’a pu se tenir et depuis le document dort quelque part dans les locaux du siège du ministère de la santé et de l’action sociale.

Aujourd’hui, on comprend difficilement, l’inaction de l’Etat et de ses démembrements, notamment le MSAS, pour prendre des mesures de lutte appropriées face à ce fléau des temps modernes, malgré l’existence d’instruments juridiques et d’un arsenal législatif disponible.

En conclusion, Pr Oumar FAYE nous livre comme suit, cette réflexion : « …les médias ne doivent pas sacrifier les principes éthiques sur l’autel des motivations commerciales. Ils doivent être loyaux vis-à-vis de leur public plutôt que de leurs clients. Lorsqu’il existe un risque de nuire à leur public, ils doivent toujours prendre le parti de ce dernier. Que faire aujourd’hui devant cette publicité à la fois trompeuse et tendancieuse ? Que faire contre tant de pouvoir médiatique défiant avec cynisme la loi et tout ce que la santé croit ? »

Surement, les réponses à ces questionnements, trouveront réponses à partir des principes partagés du «JUB, JUBAL, JUBANTI », en perspective de la construction d’un Etat fort au service des sénégalais et de leurs intérêts.

Alioune AW

Ancien Coordonnateur de la Cellule de Médecine Traditionnelle

  Ministère de la Santé et de l’Action sociale.

Email : badou60@gmail.com .

Références bibliographiques:

–     Loi n° 65-33 du 19 Mai 1965

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