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Suppression du poste de Pm : Une option Présidentielle pour mieux contrôler l’action du gouvernement

ENTRETIEN AVEC… Pr Gorgui CISS, maire de Yène et secrétaire national aux Relations internationales du PS

L’actualité, c’est le projet de suppression du poste de Premier ministre. Au cours de la rencontre entre les députés de la majorité et le Président de la République, il a été évoqué le projet de faire reprendre leurs mandats aux anciens ministres qui étaient députés et qui avaient la mouvance présidentielle. Est-ce ça vous agrée ?

La suppression du poste de Premier ministre n’est pas une nouveauté au Sénégal. C’est vrai que les précédentes suppressions correspondaient à des situations particulières. En 1963, le président Senghor voulait éviter la dualité au sommet de l’Etat après la crise de 1962 qui l’opposait à Mamadou Dia, président du conseil. En 1983, le président Abdou Diouf qui venait de prendre le relais de Senghor voulait sans doute marquer son autorité face à la Nation et à la Communauté internationale. Si le président Sall décide de supprimer le poste de premier ministre c’est qu’il veut être en première ligne pour mieux contrôler l’action de son gouvernement au quotidien. Maintenant qu’il n’a plus la pression des gouvernants qui cherchent un autre mandat, le fait d’être en contact direct avec ses ministres lui donne tous les moyens pour insuffler plus de performance pour la réalisation des aspirations des sénégalais. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le projet de suppression du poste de premier ministre.

En permettant à un ancien ministre qui a été élu député de retrouver son poste après avoir quitté le gouvernement, cela peut aider certains ministres à accepter plus facilement leur départ du gouvernement. Après tout, il y a une vie après avoir été ministre. Je pense qu’il n’y a pas un poste plus noble que celui d’élu.

Parlant du projet de suppression du poste du Pm, certains pensent que le Président ne veut pas voir émerger une lutte pour le dauphinat. C’est pourquoi il a procédé, entre autres, à la suppression de ce poste?

Ça c’est une question qui est propre à l’APR et c’est aux membres de ce parti d’en parler si jamais elle est posée. Et comme le Président Sall a décidé de structurer son Parti, cette question sera réglée très vite. En tout cas, nous dans notre parti, le dauphinat n’existe pas. Ce sont les militants qui se retrouvent de façon démocratique, à partir du comité jusqu’au congrès, pour désigner le responsable suprême du PS.

Lors de la fameuse rencontre entre le Président et le groupe parlementaire Bby, le Pm a agité l’idée d’un report probable des locales en prétendant qu’on ne peut pas organiser deux élections en une année dans un pays pauvre comme le Sénégal. Une telle affirmation emporte-t-elle votre adhésion ?

Avec l’introduction du parrainage dans le code électoral, le processus électoral devient plus long et plus compliqué. Donc, il est nécessaire de prendre toutes les dispositions pour clarifier le modus operandi du parrainage pour des élections locales et outiller les autorités administratives pour une supervision correcte du processus. Si le temps qui nous sépare de la date prévue pour les élections locales est trop court, il me semble plus judicieux de les reporter afin d’éviter toute forme de contestation. Et comme le Président de la République a appelé toutes les forces vives de la Nation à un dialogue national, cette question doit figurer en bonne place dans l’ordre du jour de ces concertations.

Le président de la République a formé récemment son gouvernement et lancé le slogan Fast track. Est-ce que vous vous retrouvez dans cette nouvelle dynamique de gestion de l’Etat ?

Le slogan du président de la République traduit certainement son désir de faire du Sénégal un pays émergent. Il a dû noter que durant son premier mandat, les réformes et réalisations n’ont pas été conduites avec la vitesse voulue. Et pour aller plus vite dans la réalisation de la deuxième phase du PSE, il pense qu’il faut nécessairement aller plus vite an «accélérant la cadence » et en faisant «Moins d’Etat et mieux d’Etat ». Et si l’objectif visé est d’aller plus vite et mieux, je trouve que c’est une excellente chose.

Les Dg de société et d’agences nationales semblent être sous l’expectative. La peur d’être emporté par le couperet présidentiel étant passée par là. Est-ce que cette volonté du chef de l’Etat de changer radicalement de politique vous semble aller dans le bons sens ?

Pour l’instant, il n’y a rien qui présage que le président de la République va changer radicalement de gouvernance. Après avoir pratiqué les Ministres, Directeurs nationaux, Directeurs d’agence ou Président de Conseil d’Administration au plus haut niveau de l’administration, le Président de la République est le mieux à même de tous les sénégalais pour mettre les hommes qu’il faut aux places qu’il faut. D’autant plus que c’est le seul qui détient les prérogatives légales de nommer aux emplois civils et militaires. Le Président de la République est le mieux placé pour apprécier les qualités, les performances et le professionnalisme des uns et des autres. Et comme personne n’est né pour être éternellement aux affaires (y compris le Président de la République qui remet son mandat en jeu tous les 5 ans), je ne vois pas pourquoi certains ministres ou DG font tout pour se maintenir aux affaires.

En son temps, en tant que responsable du PS, vous aviez réclamé que le quota des ministres accordé à la coalition Benno ak Tanor soit revu à la hausse. Tel n’est pas le cas avec le nouvel attelage, vous en êtes déçu ?

Non, je ne suis pas déçu car le PS n’est pas très mal représenté dans ce gouvernement. En conservant, deux portefeuilles ministériels dans un gouvernement de 32 membres avec une coalition de plus de 100 partis politiques et mouvements, nous ne devons pas nous plaindre. Quand je formulais le souhait de voir le PS avoir plus de ministres dans le gouvernement, celui-ci ne comptait qu’une quarantaine de ministres.

Mais ça ne vous gêne pas que le Président voit les choses autrement par rapport à votre position, pas de la même façon que vous qui préconisez qu’il y ait des échanges avec le candidat dont vous avez contribué à la réélection ?

Nous sommes dans un parti où la démocratie interne existe. Il n’y a pas le culte de la pensée unique, chacun peut exprimer son point de vue. Je croyais que le PS pouvait avoir plus de ministres si le nombre de membres du gouvernement était resté le même. C’est dans ce cadre que je l’ai dit dans le cadre d’une discussion.

Mais est-ce que pour former un gouvernement, on a besoin de raisonner en termes de quotas ou de membres qui doivent y figurer ?

Certainement pas. Nous sommes un parti dont la raison d’être, c’est de conquérir le pouvoir et de l’exercer, même si c’est dans une coalition. On ne fait pas de la politique pour de la figuration que je sache, car nous ne sommes ni des Samaritains et encore moins de philanthropes. Si nous avons décidé de figurer dans une coalition c’est pour pouvoir exister avec une digne représentation et participer à la gestion du pays au plus haut niveau. Notre rôle doit être de tout faire pour éviter de poser des actes qui affaiblissent le PS uniquement pour les intérêts de quelques personnes.

Comment appréciez-vous le maintien dans le gouvernement des deux ministres socialistes après 7 ans ?

Si on m’avait demandé mon avis, j’aurai suggéré une rotation car le PS regorge de ressources humaines de qualité avec de bons profils pour exercer des fonctions ministérielles. Le PS vient de rater une belle occasion de donner un signal fort en direction des jeunes, des cadres et des exclus à qui nous avons lancé un appel pour un retour dans notre parti.

Justement au PS, vous aviez appelé à un retour des exclus à la maison mère. Cet appel n’a pas eu l’effet escompté. Ne pensez-vous pas qu’il y a eu un problème de cohérence au sein de votre parti par rapport à cet appel ?

Même si de façon formelle il n’y a pas eu de retour, nous avons enregistré des réactions très favorables. Beaucoup de camarades qui avaient gelé leurs activités commencent à bouger. Maintenant, après avoir lancé cet appel, il faut définir les modalités du retour. C’est cela qui n’est pas encore discuté au niveau de notre parti. Mais l’appel du Président Ousmane Tanor Dieng en direction de tous les socialistes pour qu’ils rejoignent la maison mère, tout le parti l’a salué. Parce que c’est dans l’unité que nous pourrons espérer, un jour, reconquérir le pouvoir.

Certains y voient une volonté du Parti socialiste de resserrer les rangs, de remobiliser les troupes en vue de la présidentielle de 2024 ; ou bien c’est prématuré de le voir comme ça ?

Non, 2024 ce n’est pas maintenant. Je pense que l’intérêt de BBY est que toutes les composantes soient fortes. Si tous les partis qui composent Benno sont forts, la coalition sera forte et pourra espérer reconquérir le pouvoir en 2024. Je pense que la direction de Benno devrait aider les partis à se bonifier, à se massifier et à devenir plus forts pour que le pouvoir ne nous échappe pas en 2024.

Justement, à ce propos, est-ce vous ne craignez pas des fissures au niveau du parti de base de Benno bokk yakaar, qu’est l’APR, à la suite de la formation du nouveau gouvernement ?

Vous savez, ceci n’est pas propre à l’APR. C’est normal, à chaque fois qu’il y a un nouveau gouvernement qu’il y ait des mécontents. Mais il faudrait que les gens mettent en avant l’intérêt général, l’intérêt du pays, de nos différents partis et de notre coalition. Si tout le monde le voit comme ça, que ce soit dans l’APR, le PS ou dans les autres partis, alors il n’y aura pas de fissure. Tout le monde a le droit d’avoir des ambitions mais il faut toujours mettre les intérêts du pays au-dessus de tout.

Ch. Seck NDONG

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